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Mongolie, le Nomad's land
25 octobre 2009

Oulan Bator, ville aux multiples visages

Dimanche 6 septembre

   Lever à 8h. Pour le petit déjeuner, un serveur nous apporte les plats à table : petit déjeuner continental en quelque sorte avec une omelette, des légumes ... A 8h30, l'heure du départ sonne. Devant l'hôtel sont rangées 2 fourgonnettes pour 4 personnes : 2 Mitsubishi Delica L300 et L400. La première est conduite par Nergui, la seconde par Erka. J'opte au hasard pour celle de Nergui que je partage avec Nelly, Pascale et Josette. Onon montera tout au long du voyage dans l'un ou l'autre des véhicules, alternant tous les jours. Nous marquons une première halte dans un bureau de change qui ne paie pas de mine : de l'extérieur, rien ne laisse supposer la fonction du bâtiment. A l'intérieur, une sorte de guichet de banque. Plusieurs mongols nous passent devant sans respecter la queue puis vient notre tour de faire crépiter la calculette du cambiste. Chacun de nous se retrouve rapidement en possession d'une grosse liasse de billets comme jamais je n'ai eu. Et pour cause : 1€=2000 tügrik. De plus, les pièces n'existent pas dans ce pays.

   Nous prenons ensuite la direction du Monastère de Gandan. Celui-ci fut déplacé à son emplacement actuel par le cinquième Bogd Han (chef spirituel et politique) en 1838. Pendant près d'un siècle, un grand cercle de yourtes entourait une dizaine de temples. C'est de là que lui vient son appellation actuelle :  "Le Cercle". Au cours de ce siècle, il devint un important centre d'étude et de pratique des enseignements du Bouddha. Il compta jusqu'à 5000 moines. Mais en 1938, les communistes s'acharnèrent contre les religieux : les moines furent tués, emprisonnés ou enrôlés de force dans l'armée, 5 temples furent détruits et les autres servirent aux troupes russes ou à leurs chevaux. En 1944, il fut rouvert mais strictement encadré par le pouvoir. Il compte désormais 900 moines et depuis les années 70, de nouveaux bâtiments ont été ajoutés au complexe : des universités et facultés.

Notre visite commence par le franchissement d'une porte de style chinois.

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Nous obliquons alors sur la droite et passons entre deux grands moulins à prières.

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Ceux-ci précédent l'entrée dans le complexe de Gandan et de ses 5 bâtiments principaux :

  • à gauche, en entrant, la bibliothèque. Elle contient environ 1 million de sutras en mongol, tibétain et sanskrit en plus des 60 000 textes bouddhiques de Mongolie.

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  • à droite, le temple Dedanpovran construit en terre et en brique et ayant hébergé le 13ème dalaï lama.

  • derrière ce dernier, la grande ger ou grande yourte (yourte vient du russe tandis que ger est le terme mongol). Les fidèles venant au temple y passent forcément pour récupérer une prière. Ceux-ci le portent ensuite à un moine pour qu'il en fasse la lecture devant eux. Si le fidèle passe l'après-midi, les moines ont changé d'activité. Il faut donc laisser sa prière qui sera lue le lendemain matin.

  • en face de cette yourte, le temple de Gandan. Sur le mur de gauche, 108 volumes écrits à l'encre d'or au 14ème siècle. En face, une grande statue du Bouddha construite à l'occasion des 2 500 ans de sa mort. Les portraits des 8 Bogd Khans sont également présentés. Sur le mur de droite, des statues dorés du Bouddha de longévité Amitâyus.

  • enfin, au nord-est du complexe, le temple Vajradhara. En son sein, un groupe de jeunes moines récite à la chaîne une litanie de prières. Autour de ce temple se trouvent un grand nombre de moulins à prières qu'il faut mettre en mouvement dans le sens des aiguilles d'une montre. Les fidèles collent également sur ces moulins le nom des défunts. Ainsi, lorsqu'ils entrent en mouvement, une prière pour le défunt est réalisée.

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Devant ce dernier temple, une statue représente des animaux empilés. Celle-ci permet de délivrer un enseignement aux pèlerins. Aucun des animaux représentés ne parvient à atteindre seul les fruits de l'arbre tandis qu'en s'associant, la cueillette devient possible. Les vertus d'entraide et de solidarité sont ainsi mises en avant. Cet enseignement peut se présenter sous une autre forme. Une mère a 5 fils. A chacun d'eux, elle donne une flèche et leur demande de la briser. Ils y parviennent sans peine. Elle leur en tend alors 5 à chacun et leur demande de faire de même. Aucun des enfants ne peut casser le faisceau. Cela signifie que, seul, on est vulnérable alors qu'ensemble on est invincible.

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   Nous sortons alors du complexe principal pour aller jusqu'au Megjid Janraisig, un édifice de style tibétain surmonté d'un pavillon chinois. Devant et autour de celui-ci se dressent plusieurs stupas agrémentés de moulins à prières. En déposant une prière au pied du stupa et en en faisant le tour, elle se réalise. Ce temple abrite notamment une statue en or et en pierres précieuses de 26,5 m de haut représentant le Bouddha de compassion. Il est entouré de 1 000 statuettes d'Amitâyus, symbole de longévité. A quelques mètres au-dessus de l'entrée, on peut voir une roue dorée flanquée de deux biches. Elle symbolise le dharma, l'enseignement de Bouddha et les disciples qui l'écoutent. Cette représentation est très fréquente dans la symbolique bouddhiste.

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Ce temple fut construit en 1911 au temps du huitième et dernier Bogd Khan. A sa droite, 2 datsan construits par les second et quatrième Bogd Khan. De l'autre côté, l'université bouddhiste de Mongolie délivre un diplôme après 4 années d'études et se compose de 2 départements : les sciences internes (philosophie bouddhique et chant) et le savoir commun (anglais, tibétain, sanskrit, médecine traditionnelle et astrologie).

   Nous nous dirigeons ensuite vers la place Sükhbaatar, la place centrale d'Oulan-Bator. En 1921, Damdiny Sükhbaatar, le héros de la révolution, y proclama l'indépendance de la Mongolie et délivra ainsi le pays du joug mandchou. En son centre trône sa statue montée sur un cheval et nous saluant du bras.

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Au nord de la place s'étire le Parlement. La vaste colonnade jugée trop communiste a été modernisée au cours des dernières décennies avec une façade en verre. Au centre de l'édifice trône une statue monumentale du plus grand et célèbre personnage mongol : Chinggis Han. Celui-ci se tailla le plus grand empire ayant jamais existé depuis les portes de l'Europe jusqu'à la Corée.

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Sur sa droite, un centre culturel puis l'opéra et un immeuble en verre encore non occupé si ce n'est par une firme de luxe française.

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Sur sa gauche, la mairie, la bourse et la Poste (en jaune) sont les principaux édifices.

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Enfin, au sud, se dresse une autre tour en verre. Cette place est donc à l'image de la ville un immense mélange de styles architecturaux divers : occidental, soviétique, chinois et tibétain. Elle symbolise une ville en pleine effervescence et changeant à un rythme soutenu (comme en témoignent les grues). Il est d'ailleurs fort à parier que d'ici 10 ans, elle présentera déjà un tout autre visage.

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   Nous gagnons ensuite les hauteurs de la ville. Sur deux collines, un portrait géant de Chinggis Han et le Soyombo, le symbole du drapeau mongol.

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Si l'on détaille le Soyombo de haut en bas :

  • une flamme, symbole du feu, élément purificateur très important dans le foyer : on y cuit les aliments mais n'y jette pas les déchets

  • le soleil et la lune au-dessous

  • les triangles pointés vers le bas font office de protection contre les mauvais esprits pour qu'ils n'osent pas venir par le haut (le ciel)  et qu'ils repartent vers le bas (les enfers)

  • les deux rectangles horizontaux situés soit au-dessus soit au-dessous des triangles précédents servent de murs protecteurs à la Mongolie

  • ils encadrent les symboles du yin et du yang

  • enfin, les deux rectangles verticaux schématisent les piliers de la yourte. L'espace entre ceux-ci est sacré et ne doit en aucun cas être traversé.

Le nouveau drapeau mongol ci-dessous (sur lequel figure le Soyombo) remplace l'ancien. Lorsque le tissu n'existait pas, le drapeau était constitué de 9 étendards gengiskhanides desquels pendaient des queues de yaks blanches.

Drapeau_de_Mongolie

Nous marquons une première halte à mi-hauteur de la colline sur laquelle est juché le monument de Zaisan. De là, un vaste panorama sur la capitale s'offre aux badauds : au premier plan, les édifices en construction; plus loin, la place Sükhbaatar ou les usines productrices d'énergie; au fond et à flanc de collines, un enchevêtrement de yourtes où la population s'est rapidement entassée. En effet, en 2000 et 2001, le pays a connu deux gros zuud. Il s'agit de sécheresses estivales suivies de fortes averses de neige (ou de gelées extrêmes). Les troupeaux affamés sont alors décimés et les éleveurs, ruinés, sont contraints de migrer vers les faubourgs d'Oulan-Bator, dans ces amas de tentes blanches sans grand aménagement public (ni eau courante, ni lumière ...). En général, le zuud décime chaque année 2% du cheptel. Mais ces années-là, cette proportion atteignît 10% et 14% sur les 47 millions de bêtes que compte le pays.

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Dans ces quartiers périphériques, le chômage atteint des sommets : 40% contre 25% dans les grandes villes mongoles et 11% dans les villes de campagne. Si l'on considère l'ensemble des actifs, il tombe même à 8% (les nomades ont tous du travail).

   Nous gravissons ensuite les marches conduisant au sommet, à l'édifice en béton construit en l'honneur des russes. Par 2 fois, ceux-ci ont en effet prêté main forte à la nation mongole. L'édifice consiste en une sorte d'anneau dont l'intérieur est couvert d'un carrelage coloré d'inspiration soviétique. Le tout est maintenu en hauteur par un pilier en béton perpendiculaire au sol.

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Derrière cette colline, des immeubles multicolores, une école privée, une prison pour adolescent et un camp de touristes entrent dans le champ de vision :

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Nous réempruntons l'escalier dans l'autre sens et descendons toute la colline. A ses pieds, un tank T-34 symbolise le soutien de la Mongolie à l'Armée Rouge durant la seconde guerre mondiale, notamment par la fourniture d'une brigade de chars.

   Sur le terrain voisin se trouve un gigantesque Bouddha doré : la statue de Megjid Janraisig construite en 2005 et semblable à celle du monastère de Gandan vue plus tôt dans la matinée. Un peu en avant de celle-ci, deux moulins à prières investis par des familles. Cet espace est probablement un jardin public : des gens sont assis sur des bancs et nous regardent passer.

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   N'étant pas très prévoyant, j'impose ensuite une halte à la banque pour remplumer un peu plus mon portefeuille (au cas où) car j'étais parti de France assez "léger" et mon change de ce matin était plutôt limité.

   Nous rejoignons alors un restaurant orienté vers une clientèle touristique. Celui-ci est très bien achalandé et des cuisiniers assurent le spectacle : à l'aide de lames d'acier, ils envoient valser dans les airs les mets que vous leur avez confiés pour la cuisson. Seul le buffet dessert est réduit, les mongols n'en consommant pas ou peu. Nous nous sommes donc limités à quelques gâteaux secs. Chez les mongols, un repas se compose généralement d'un plat unique avec du thé. En revanche, les desserts, les aliments crus et l'eau sont inconnus ou écartés même si le développement du tourisme contribue parfois à changer un peu les habitudes. Les fruits sont relativement rares : pommes et pastèques sont cultivées dans le pays et la cueillette de baies sauvages enrichie l'offre locale. Les pignons de pin sont également appréciés. Le reste est importé de Chine. Le déjeuner se prend généralement vers 13-14h et le dîner vers 19-20h. A la campagne, les heures sont davantage dictées par les activités.

   Le programme du reste de la journée est bouleversé pour tenir le planning. En effet, les touristes arrivent habituellement beaucoup plus tôt car ils passent par Moscou (Aeroflot). Etant allés en Corée du Sud, nous avons déjà une demi-journée de retard sur le programme de notre guide. Nous devons donc quitter la capitale dès la fin du déjeuner. Seul avantage : nous avons évité des soucis de bagages paraît-il fréquents sur les vols russes.

Après déjeuner, nous partons donc en direction du nord sur une portion de route bitumée. De ci de là, quelques nids de poule engendrés par le froid et la neige préfigurent de notre futur quotidien. Pendant quelques temps encore, en quittant la capitale, nous apercevons les constellations de yourtes des quartiers "pauvres". Régulièrement, nous croisons des éleveurs en train de dénombrer leur troupeau soit en les rabattant vers un obstacle (palissade en bois) soit en utilisant des enclos (corral).

Un grand portique marqué "Ulaan Baatar" et ressemblant à un péage indique la sortie de cette province.

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La Mongolie compte en effet 18 provinces et 3 municipalités autonomes (Choïr, Darhan et Erdenet) en plus d'Oulan-Bator. Celles-ci sont appelées aimag. Elles se divisent en 331 districts ruraux, les sum; eux-mêmes décomposés en bag ("petits").

Une fois franchi, nous nous garons à proximité d'une épicerie où nous retrouvons la 3ème camionnette du voyage, un UAZ russe. Celui-ci transportera les tentes, l'équipement, l'eau et quelques sacs. A son bord, Baska et Tuya, notre troisième chauffeur et notre cuisinière. Les emplettes sont de courte durée : surtout de l'eau en bouteille.

   

   Nous reprenons alors la route mais désormais à la campagne, une campagne très vallonnée et verte. De temps à autre, une yourte se dessine au loin rompant la relative uniformité du paysage. Par contre, rares sont les vallées où le bétail est absent : chèvres, moutons et vaches en abondance, plus rarement quelques yaks. L'élevage des "5 museaux" (moutons, chèvres, bovins, chevaux et chameaux) est répandu dans toute cette nation de nomades essentiellement en tant qu'activité de subsistance. L'alimentation est en grande partie importée de Chine ou de Russie où les prix pratiqués sont moindres, les difficultés d'acheminement des marchandises et des matières premières mongoles les rendant trop chères. La qualité de ces produits étrangers est cependant bien moindre : couleurs fades, insipidité, cuisson plus difficile, ... Ils sont achetés en masse l'été et stockés pour l'hiver où l'import est rendu plus difficile par le climat.

Survolant ces vastes étendues, des vautours et des grues animent un ciel totalement dégagé.

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   Plus au nord, le paysage évolue : place à une Mongolie agricole avec des champs bicolores formés de nombreuses bandes de même largeur. Une jaune, une marron, une jaune ...  40% des réserves de céréales (blé, orge, avoine, soja, maïs ...) du pays se trouvent effectivement dans une zone ne couvrant qu'1% du territoire !

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Cette modification de "décor" s'opère tout en suivant notre fil directeur depuis Oulan Bator : les rails du Transmongolien qui vont dans la même direction que nous. Ce train fonctionne toute l'année. Depuis la capitale, il relie en 24 heures la frontière russe comme la frontière chinoise. Le capital de cette compagnie étant pour moitié mongol et pour moitié russe, son dirigeant change tous les un ou deux ans. C'est un moyen de transport plutôt bon marché coûtant 5000 tugrik (2,5€) le voyage. Nombre de commerçants l'empruntent donc pour aller s'approvisionner aux villes frontalières.

   En fin d'après-midi, nous bifurquons soudainement sur la gauche peu avant Darhan. Nous quittons ainsi l'axe principal vers la Russie. Le vent s'est à présent levé, le soleil descend dans le ciel. 18h. L'heure de chercher un premier bivouac pour être totalement installé avant la tombée de la nuit. Nous nous arrêtons dans une vaste plaine près d'un petit bosquet et bien à l'écart de la route. Rapidement, le montage des tentes commence. Pour ce premier jour, nous sommes assistés par l'équipe locale ce qui permet d'être beaucoup plus efficace. Personnellement, ma prestation n'est pas mémorable. Pendant que nous prenons possession de nos tentes (installation des matelas et des sacs), l'équipe locale monte la tente mess et la tente cuisine. La cuisine est tout aussi rondement menée. N'ayant pas de point d'eau dans les environs pour la toilette, nous gagnons rapidement la tente mess pour le repas. La nuit tombe rapidement laissant la place à une magnifique voie lactée que nous ne pouvons plus apprécier dans nos villes en Europe.

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Le vent s'intensifie peu à peu et la température chute à 3°C environ. Rien de tel pour nous motiver à aller dans nos duvets malgré l'heure fort peu avancée. Le froid ne m'a pas gêné de la nuit contrairement au vent qui vient  frapper de plein fouet la toile des tentes. Il n'a été que 2 fois plus fort au cours du circuit mais rien de bien extraordinaire pour le "Pays du Vent", beaucoup plus pour nous qui dormons dans des "bunkers" en brique !

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